* Une spiritualité gaie pour moi c’est quoi ?

Une spiritualité gaie pour moi c’est quoi ?

Du 19 au 23 février dernier, à l’initiative du Mouvement David et Jonathan, 17 prêtres et religieux ont pris le temps de réfléchir sur cette question. Il ne s’agissait pas d’une élaboration abstraite mais le fruit d’un échange à partir de leur vie de personnes homo-sensibles et de leurs pratiques (ou pas) sexuelles. Difficile ici de proposer une synthèse de ce travail car il n’y a pas unanimité. Par contre, voici quelques points qui font apparaître la multiplicité des réactions, parfois contradictoires, signes que, pour eux, le débat est loin d’être clos.

1 – Des tentatives de définition :

–    Une spiritualité gaie est une clé de lecture différente (et pas exclusive) pour entendre et accueillir la Parole (celle de Dieu, celle de l’autre, la sienne propre) dans ce qu’elle a d’unique et d’universel afin de devenir toujours plus, personnellement et ensemble, sujets de notre désir.

–    La relation amoureuse nous fait sortir de la toute-puissance. Elle nous rend dépendant d’un autre et donc capable d’accueillir.

–    La spiritualité c’est vivre et grandir dans la subjectivité de l’amour d’un autre, l’amour donné à l’autre, l’amour reçu de l’autre. C’est un chemin de découvertes toujours nouvelles, de regards sans cesse plus miséricordieux sur moi-même (dans un mouvement d’abandon), sur les autres (dans un mouvement de bienveillance), sur Dieu (dans un mouvement de libération).

–    C’est grandir dans un partage d’amour et de vie pour devenir homme en répondant au projet de bonheur de Dieu.

–    L’autre est « présence réelle ».

2 – Plusieurs facettes d’un même diamant :

–    On était plusieurs à dire que pour nous, circonscrire une spiritualité gaie n’est pas notre problème. On essaye de vivre. On ne veut pas définir. On essaye d’avancer.

–    Il existe DES chemins d’humanisation. Le vécu de la diversité au sein de notre groupe est une belle réponse à ceux qui reprochent aux personnes homosexuelles de ne pas vivre l’altérité.

–    L’image que j’ai de Dieu est vraisemblablement une idole car Dieu je ne sais pas qui il est. Par contre la rencontre avec une personne concrète (mon conjoint ou le détenu que je visite en prison) permet d’accueillir un nouveau visage de Dieu.

–    Dans la relation sexuelle, il y a ajustement à la liberté du partenaire. Il y a ajustement mutuel avec Dieu également puisqu’il consent  à respecter notre liberté. Ainsi la volonté de Dieu n’est pas une ligne droite. Elle n’est pas acquise une fois pour toute.

–    Une spiritualité gaie casse les normes, elle invite à l’ouverture à l’autre, au toujours autre, pour dépasser toutes nos fermetures, tous nos intégrismes, même entre personnes homosexuelles.

–    Si tous nous sommes féconds, quelle est la fécondité de ma vie ? C’est une énorme question de ma vie spirituelle de prêtre. J’ai reçu cette ordination, c’est la raison pour laquelle je ne peux la rendre. Elle m’a été donnée. Cette fécondité je l’ai vécue aussi dans mes travers. Dieu est aussi là-dedans et mystérieusement cela concerne aussi mon ministère.

–    La vieillesse peut être un désespoir mais c’est aussi la possibilité de relire son histoire. A plus de 80 ans, c’est ce qui m’aide de ne pas me laisser trop aller. J’ai une hargne et une rogne contre l’institution qui refuse de faire cette relecture !

–    On peut aussi passer sa vie à en vouloir à l’Eglise, à s’affronter à elle, et paradoxalement à prendre du plaisir à le faire :  Au lieu de prendre ses responsabilités, on reste dans une posture infantile.

–    Il y a sans doute une spiritualité gaie liée à l’originalité de nos pratiques sexuelles. Mais notre sexualité n’est pas que génitalité car toutes nos relations sont sexuées. Ma sexualité est de l’ordre du mystère. Je n’ai pas le dernier mot.

3 – Toujours en chemin, toujours en devenir :

–    La sexualité est un mystère et l’homosexualité est donc un mystère qui se comprend dans l’humilité du cœur.

–    Cette compréhension repose sur des mots de la foi, comme par exemple se savoir aimé de Dieu « Même si ta mère t’oubliait, moi je ne t’oublierai pas » (Isaïe 49,15)

–    Ce mystère, qui se comprend peu à peu, est un long chemin d’acceptation de soi (on n’a pas choisi d’être homo-sensible), de l’autre (l’autre compris dans l’aspect très concret avec qui « je baise », « je fais l’amour », « à lieu une rencontre », « je parle »). Ce chemin qui comporte des forces et des fragilités, me permet de consentir à cette part d’humanité avec ses zones d’ombre et de lumière.

–    Sur quels outils, puis-je m’appuyer pour ne pas m’affronter à l’impasse morbide, au dilemme de la corde ou du mur, à la solitude. Chacun aura à trouver sa grâce personnelle pour sortir de l’impasse mortifère comme par exemple le dialogue avec un frère, la célébration de l’Eucharistie, la participation à un groupe comme David et Jonathan, la prière, etc.

S’il est difficile de parvenir ici à une conclusion globale, il est possible de mettre deux mots en exergue, celui de clé et celui d’accueil. En effet l’homosexualité peut être une clé possible pour relire l’Evangile (comme l’ont été et le sont toujours les mots pauvreté, agapè ou liberté). Ainsi dire « Je t’aime » à son partenaire n’apparait plus concurrentiel avec l’amour pour Dieu. Enfin l’homo-sensibilité est une invitation à l’accueil de la différence, de la diversité, pour se laisser surprendre par la nouveauté. L’un des participant disait à ce propos : « Une personne homosexuelle pour certains c’est une faille, alors qu’il s’agit d’une couleur sur la palette, un levain dans la pâte. »

« Des prêtres et religieux du groupe Pêcheurs d’Hommes »

23 février 2017