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James Alison sort du placard

James Alison dans la Croix

Entretien

« J’ai fait le choix de sortir du placard homosexuel »

Recueilli par Gilles Donada

Le théologien James Alison à Lyon, le 26 novembre. – Neal Badache pour La Croix

James Alison Prêtre et théologien Le théologien britannique est de passage en France, entre autres, pour une série de conférences ayant notamment pour thème la Bible et l’homosexualité. Ce prêtre a inspiré l’auteur de la pièce La Peur. Il apporte sa réflexion et son témoignage sur la condition des clercs gays.

Lyon (Rhône) De notre envoyé spécial

Vous vous présentez comme prêtre, catholique et homosexuel. Pourquoi ce choix et dans quel but ?

James Alison : Pour ne pas me suicider ! Et pour mettre en lumière une contradiction, voire une hypocrisie qui est invivable pour moi : celle d’une institution qui résume l’homosexualité à une tendance à commettre des actes considérés comme gravement et objectivement désordonnés alors qu’elle est composée, pour une part, de clercs et de religieux d’orientation homosexuelle. Pour accomplir avec honnêteté et responsabilité mon travail de théologien et de prédicateur, je ne peux pas dissimuler cette réalité.

J’aimerais que mon témoignage puisse aider d’autres frères prêtres et évêques à parler aussi en vérité. J’ai fait mon coming out à 18 ans. Je n’ai pas caché mon orientation sexuelle en entrant au séminaire. À l’époque, ce n’était pas un problème pour mes supérieurs.

Qu’appelez-vous « le placard homosexuel » ?

  1. A. :Pour survivre, les homosexuels doivent se taire et cacher leur orientation sexuelle. Ils sont davantage exposés au chantage de collègues, auteurs d’actes répréhensibles (escroquerie, abus en tout genre) – « Si tu dis ce que je fais, je dis à tout le monde qui tu es ».

Pourquoi demeure-t-on dans ce placard ?

  1. A. :Il joue un certain rôle de protection. Un clerc peut vivre son homosexualité, active ou non, de façon discrète. La présence d’un homme auprès d’un prêtre est souvent perçue comme amicale — et ce peut être le cas, bien entendu. La présence d’une femme aux côtés d’un prêtre est souvent sujette à des sous-entendus… Les conséquences sont plus graves : donner naissance à un enfant « sans père » ; laisser une femme dans une situation financière précaire. Cette culture du secret est un terrain fertile pour tous ceux qui, comme on dit en Angleterre, veulent jeter des pierres dans des maisons de verre (reprocher à autrui les défauts qu’on a soi-même, NDLR). Combien de pourfendeurs de l’homosexualité se sont révélés eux-mêmes homosexuels ! Mais le choix du secret se paye cher.

À quel prix exactement ?

  1. A. : Au prix de la honte, de la peur, de la haine de soi, de la souffrance de cacher ce que la hiérarchie ou les fidèles savent pertinemment, de la violence du discours de l’institution contre l’homosexualité que les candidats au sacerdoce doivent assimiler pour aller de l’avant… Cette occultation empêche une réflexion morale claire pour distinguer, d’une part, ce qui est de l’ordre de l’infraction à la discipline du célibat, de la chasteté (entretenir une relation intime avec une personne du même sexe ou non), et, d’autre part, des comportements pathologiques et criminels.

Dans le rapport de la Ciase, on relève qu’une large majorité des mineurs abusés sont des garçons. Certains établissent un lien entre homosexualité et pédocriminalité…

  1. A. : Le rapport a montré qu’il n’y a pas de corrélation entre l’orientation sexuelle et la pédocriminalité. Si c’était le cas, au vu du nombre de clercs gays, le chiffre des victimes serait beaucoup plus élevé. Le pape Benoît XVI avait réuni des scientifiques pour aborder cette question. Ils ont conclu qu’il n’existait pas de lien pertinent entre le fait d’être homosexuel et la perpétration d’actes pédocriminels.

Dans l’enseignement de l’Église, les actes homosexuels restent « intrinsèquement désordonnés »…

  1. A. : Cela remonte à saint Thomas d’Aquin, au XIIIesiècle. La sexualité est uniquement orientée vers la procréation dans le mariage. Tout acte ne visant pas cette fin est considéré, à divers degrés, comme « désordonné » : la masturbation, les relations hors mariage, l’homosexualité. Ces dernières années, l’Église a reconnu que l’homosexualité était une orientation sexuelle qui ne dépendait pas d’un choix personnel. La prochaine étape est la reconnaissance de l’homosexualité comme une variante minoritaire et non pathologique de la condition humaine. Ce jour-là, on enseignera que nous sommes fils et filles de Dieu, à partir de ce que nous sommes, et non malgré ce que nous sommes. Et nous pourrons parler comme des frères et sœurs. En pleine lumière.

Je félicite vivement La Croix pour avoir invité dans ses colonnes James Alison (N° du 01/12/2021). Peut-être à tort, j’ai longtemps estimé qu’il était (comme John Shelby Spong, Bruno Mori…) injustement boycotté par mon quotidien. Moins pour son identité sexuelle (qui ne regarde que lui) que pour ses avancées théologiques. Entre autres études, son livre « Connaître Jésus », Artège, 2019) a ouvert en moi, plutôt mécréant, des perspectives fondatrices revitalisantes. Car en disciple de René Girard, Alison renouvelle en profondeur la compréhension du sacrifice du Christ, victime consentante qui pardonne, et l’auteur montre comment l’expérience pascale peut bouleverser notre existence. Car « ce qui est désormais offert par Jésus, c’est, pour l’humanité, la possibilité de fonder une société nouvelle qui n’ait pas besoin de victimes ni d’exclusions ni de lynchage pour construire le sentiment de son identité. » Bref, l’authentique identité chrétienne, ce n’est pas le pedigree sexuel, mais bien l’identification, au quotidien et au fil des jours, à la victime qui pardonne. Du temps où j’étais prêtre (pas encore assumé gay !), dans la cité où officia un prélat plus tard déclaré saint, une de ses phrases souvent méditée est devenue mon mantra pour le reste de ma vie. Elle rejoint la paisible assurance du théologien britannique : pour lui comme pour beaucoup, un temps viendra où l’homosexualité — simple variante de la sexualité humaine, certes minoritaire, mais non pathologique ni peccamineuse — n’empêchera plus personne dans l’Église d’être frère et sœur, fille et fils de Dieu. Car l’ancienne parole aura enfin été écoutée, intériorisée, appliquée dans une grande joie émancipatrice : « La peur fait plus de mal que le mal. » (François de Sales) 

Michel Bellin

« Et je ferai la mort

comme je fais l’amour :

les yeux ouverts. »

(ARAGON)

 

* Des homosexuels peuvent-ils être prêtres ?

Dossier du n°2349
La Croix , le 16/04/2013 à 11h00

6 ans après, un texte qui reste fort…et d’actualité.

Texte du P. Timothy Radcliffe (*)

Il y a quinze jours j’étais en Nouvelle-Écosse en train de prêcher une retraite à des évêques et des prêtres de l’est du Canada. L’un des prêtres me fit passer un papier avec une question qu’il n’osait pas poser en public : « Est-ce que ce document sur l’admission d’homosexuels au sacerdoce veut dire qu’on ne veut plus de moi ? Veut-il dire que ceux qui sont comme moi sont des prêtres de seconde classe ? ». J’ai souvent entendu poser cette question par des prêtres, sous une forme ou sous une autre, dans tous les coins du monde. Le document romain annoncé concernant l’homosexualité et le sacerdoce étant source de grandes angoisses, il faut voir ce qu’il dit exactement.

Nous devons avoir deux principes en tête : d’abord, nous devons donner au texte une interprétation aussi positive que possible. Il ne s’agit pas de maquiller des documents sous un camouflage positif, mais bien d’essayer de discerner quelles sont véritablement les intentions des auteurs. Nos médias regorgent d’accusations et on dénoncera ce document comme encore une nouvelle attaque contre les homosexuels. De semblables dénonciations ont lieu également à l’intérieur de l’Église : la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a souvent donné à des écrits de théologiens une interprétation tendancieuse, et de leur côté, des théologiens donnent une interprétation aussi négative que possible de documents romains, rien de bon ne pouvant venir de Rome ! Membres de l’Église, il nous faut trouver une autre façon de nous écouter les uns les autres, basée sur ce qui est dit réellement. C’est là une exigence de justice et de vérité.

Second principe : la vocation est un appel de Dieu. Il est vrai, comme le dit le document, qu’elle est reçue « par l’intermédiaire de l’Église, dans l’Église et pour le service de l’Église », mais c’est Dieu qui appelle. Ayant collaboré avec des évêques et des prêtres, diocésains et religieux, dans le monde entier, je n’ai aucun doute sur le fait que Dieu appelle des homosexuels au sacerdoce, et ils sont parmi les prêtres les plus dévoués et les plus impressionnants que j’ai connus. Par conséquent, aucun prêtre convaincu de sa vocation ne doit lire dans ce document une raison de se ranger dans une catégorie inférieure. Et on peut bien supposer que Dieu continuera à appeler au sacerdoce aussi bien des homosexuels que des hétérosexuels, parce que l’Église a besoin des dons de chacun d’eux.
L’Église a le droit et le devoir d’exercer soigneusement un discernement lors de l’admission des séminaristes. Lorsque le document dit que cela est rendu plus urgent « par la situation actuelle », il se réfère, je pense, à la crise causée par les abus sexuels qui a ébranlé l’Église en Occident. Se posent alors deux questions : est-ce que ce document fournit les bons critères de discernement quant à l’authenticité d’une vocation ? et contribuera-t-il à traiter la crise des abus sexuels ?


Il insiste pour que le candidat au sacerdoce atteigne une maturité affective qui « le rendra capable d’avoir des relations justes avec les hommes et les femmes, en développant en lui un véritable sens de la paternité spirituelle vis-à-vis de la communauté ecclésiale qui lui sera confiée ». Laissons de côté pour l’instant la question de la « paternité spirituelle » et considérons celle de la maturité affective. Qu’est-ce que cela signifie ?
Le document dit que l’Église « ne peut pas admettre au Séminaire ou aux Ordres sacrés ceux qui pratiquent l’homosexualité, présentent des tendances homosexuelles profondément enracinées, ou soutiennent ce qu’on appelle la culture gay ». Le premier critère est simple et direct : on pourrait dire la même chose de ceux qui sont activement hétérosexuels. Les deux suivants ont besoin de clarification.


Qu’entend-on par « tendance homosexuelle profondément enracinée » ? Le contre-exemple que donne le document est celui d’un séminariste passant par une phase temporaire d’attraction homosexuelle et à qui on demandera qu’il l’ait surmontée trois ans au moins avant l’ordination diaconale. Cela ne recouvrirait pas tous les cas de séminaristes réfléchissant à leur vocation à la lumière de ce document.
On peut aussi interpréter l’affirmation comme faisant allusion à une orientation homosexuelle permanente. Mais ce ne peut être le cas, puisque, comme je l’ai dit, il y a d’excellents prêtres qui sont des gays et qui ont clairement une vocation reçue de Dieu. Peut-être est-il plus exact de la comprendre en référence à une personne dont l’orientation sexuelle est si centrale à la perception qu’il a de lui même, qu’elle en devient une obsession et domine son imagination. À n’en pas douter, cela poserait la question de savoir s’il serait capable de mener de façon satisfaisante une vie de prêtre engagé dans le célibat. Mais tout hétérosexuel pareillement centré sur sa sexualité aurait aussi des problèmes. Ce qui importe c’est la maturité sexuelle plutôt que l’orientation.


Et puis il y a la question du soutien accordé à la culture gay. Il est vrai que séminaristes et prêtres n’ont pas à aller dans les lieux gays, et que les séminaristes n’ont pas à développer une sous-culture gay. Le faire serait installer au centre de leur vie ce qui n’est pas fondamental. Il faut que les séminaristes en arrivent à se sentir à l’aise avec leur orientation sexuelle quelle qu’elle soit, satisfaits du coeur que Dieu leur a donné, mais toute forme de sous-culture sexuelle, homo ou hétéro, serait la ruine de leur célibat. Une sous-culture macho remplie de sous-entendus hétérosexuels serait tout aussi inappropriée.
Mais est-ce tout ce que signifie accorder son soutien à une culture gay ? Comme dit le document, l’Église doit s’opposer à la « discrimination injuste » à l’égard des homosexuels, comme elle le fait à l’égard de la discrimination raciale. Cela signifie que tous les prêtres doivent être préparés à se ranger du côté des gays quand ceux-ci sont victimes de l’oppression, et à être vus de ce côté-là. Bien sûr cela soulève des questions complexes. S’opposer au mariage gay sera considéré par certains comme de la discrimination, alors que dans l’enseignement officiel catholique ce ne l’est pas. À s’engager dans une opposition à la discrimination, on risque d’être incompris. C’est un risque qu’il faut parfois prendre.

Enfin, il y a la question de la « paternité spirituelle ». Ce n’est pas là un concept qui m’est très familier. Est-ce que seuls les hétérosexuels peuvent assurer une telle paternité ? C’est ce que pense le Vicaire aux Armées américain, qui a dit récemment : « Nous ne voulons pas que les gens croient ce que dit notre culture présente, à savoir que cela ne fait aucune différence que l’on soit gay ou pas, homosexuel ou hétérosexuel. En ce qui concerne notre vocation, il y a bien une différence, pensons-nous, et nos fidèles s’attendent à avoir un prêtre masculin qui joue sans faiblesse un rôle de modèle de masculinité ». Je ne pense pas que ce soit cela que vise le document ; on trouve peu de références à un christianisme musclé au Vatican. Si le rôle du prêtre était de présenter un modèle de masculinité, il ne serait plus pertinent que pour moins de la moitié de ses fidèles et on pourrait alors arguer que des femmes devraient également être ordonnées afin de présenter des modèles de féminité. Je pense que la « paternité spirituelle » s’exerce avant tout par le souci des personnes et par la prédication d’une parole fertile et féconde, et que rien de cela n’a quelque chose à voir avec une orientation sexuelle.


Ce qui est essentiel c’est de former des prêtres qui aient acquis « la maturité affective » et soient à l’aise dans leur relation avec hommes et femmes. Le document s’efforce d’identifier les critères aidant à discerner une telle maturité, et souligne les points indiscutablement importants. Ces critères doivent s’appliquer de la même façon à tous les candidats, sans faire de distinctions selon leur orientation sexuelle.
Notre société donne souvent l’impression que les hétérosexuels et les homosexuels constitueraient deux espèces du genre humain. Mais le coeur humain est complexe, et le désir revêt des configurations changeantes et évolutives. J’ai connu des prêtres qui croyaient être gays à 30 ans, puis qui ont découvert qu’ils ne l’étaient pas, et vice-versa. Si nous voulons former des prêtres qui vivent leur célibat de manière féconde, il faut qu’ils soient sereins avec eux-mêmes, dans toute la complexité de leurs émotions, et ne soient pas entraînés à croire faussement que là se trouve l’essentiel de notre identité. Il se trouve dans le Christ. « Ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3, 2)


Notre société est obsédée par le sexe, et l’Église se devrait de présenter l’image d’une acceptation saine et non coercitive de la sexualité. Le catéchisme du Concile de Trente enseignait que les prêtres devaient parler du sexe « avec mesure plutôt qu’abondance ». Nous devrions être attentifs à ceux que nos séminaristes sont portés à haïr plus qu’à ceux qu’ils aiment. Le racisme, la misogynie, l’homophobie, sont autant de signes que quelqu’un ne pourrait pas donner une bonne image du Christ.


Le document se conclut par un appel aux séminaristes à être vrais avec leur directeur spirituel. Mentir ne correspondrait pas à « l’esprit de vérité, de loyauté et de disponibilité qui doit caractériser la personnalité de celui qui estime être appelé à servir le Christ et son Église dans le ministère sacerdotal ». Cela est d’une importance fondamentale. Mais si les critères que propose ce document sont interprétés dans un sens étroit qui signifierait qu’aucune personne gay ne peut être ordonnée, certains séminaristes pourraient se trouver dans une situation impossible. S’ils parlent ouvertement, ils peuvent ne pas être acceptés. S’ils ne le font pas, ils sont dans la duplicité. Le danger est alors que les plus honnêtes puissent abandonner, laissant les moins sincères continuer, et nous formerions alors un sacerdoce immature, mal à l’aise avec lui-même, et davantage susceptible de perpétuer des abus. Il est donc extrêmement important que ces critères ne soient pas interprétés d’une façon qui encourage les intéressés à la dissimulation. Cela constituerait un handicap certain pour la formation de prêtres affectivement mûrs.

(*) Texte original anglais dans The Tablet du 26 novembre 2005. Traduction de Fr. Michel Taillé pour la DC. Sous-titres de la DC.

* Le tabou des prêtres gay

Article issu du numéro de SCIENCES HUMAINES
Mensuel N° 308 – novembre 2018

« L’Église invite à la double vie », confiait en 2015 le prêtre Krzysztof Charamsa, après son coming out médiatique. Cet homme d’Église homosexuel avait alors trahi un secret de polichinelle : être prêtre et gay, c’est être « dans un système mensonger sur sa propre sexualité ».

Si le dispositif sacerdotal du célibat a toujours suscité des vocations chez les homosexuels, rares sont ceux qui parlent.

Dès lors, comment les religieux vivent leur homosexualité, au cœur d’une institution bardée d’interdits et de non-dits ?

Pour affronter ces questions, le politiste Josselin Tricou, qui prépare un doctorat  sur « Les masculinités sacerdotales dans l’Église catholique », a cherché à détecter, parmi les religieux, les différentes manières d’y faire face.

Le chercheur s’est notamment intéressé à la figure de la « taupe », profil de prêtre gay perpétuant par la clandestinité de sa sexualité l’homophobie intériorisée et l’ordre du silence ou « placard » ecclésial, comme le qualifie le chercheur.

Émissaires du silence, les taupes incarnent le retour en force d’une politique du secret au sein de l’Église. Inaccessibles, réfractaires aux questions du chercheur vécues comme une quête d’aveux à l’instar de la confession, ils tiennent l’enquête pour une menace personnelle.

Plus encore, l’Église est depuis l’épisode de la Manif pour tous le théâtre d’une surenchère de la dissimulation. Alors que la société ébauchait une normalisation de la conjugalité gay avec la loi Taubira, l’institution, elle, réactivait une propension à discipliner comportements et paroles dans un climat d’homophobie grandissante.

D’où des manœuvres à la lisière de l’ubiquité : « Soutane le jour, et drag queen la nuit », résume un clerc au chercheur J. Tricou, à propos de l’un de ses collègues, homosexuel, apôtre d’une loyauté silencieuse envers l’institution – ou d’une allégeance au placard le mieux verrouillé de l’histoire.

Josselin Tricou, « Refaire des “taupes” : gouverner le silence des prêtres homosexuels à l’heure du mariage gay », Sociologie, vol. IX, n° 2, 2018.

* Ils aiment Dieu et les hommes Ils sont prêtres ou imams et témoignent de leur homosexualité

Reportage par Alice Develey , Stéphane Joly | 16 Octobre 2018
« J’ai découvert mon homosexualité chez les salafistes », se souvient l’imam Zahed. C’est au séminaire que le père Henri, lui, a connu ses premiers émois. StreetPress a rencontré ces hommes de foi qui concilient leur ministère… et leur sexualité.

« Le juif homosexuel est une abomination pour la communauté, un sodomite qui pervertit la Torah, lance Alain Beit, désinvolte. On est habitué à la discrimination quand on est juif. » Alors, pour lui, les attaques venues de ses pairs sont une simple formalité.
Ce soir, le président du Beit Haverim, association des juifs LGBT de France, se joue des préjugés au théâtre L’Auguste, dans le 11e arrondissement parisien. Sur son trône rouge, l’homme affable accueille le public comme un rabbin dans sa synagogue. Mais attention, la barbe ne fait pas le Rav (1). Idem pour les spectateurs venus assister à Yalla, le tajine musical, « un Mamma Mia ! juif à la sauce LGBT ». La kippa est rangée, mais jamais très loin. Alain Beit l’a dans la poche, aux couleurs du drapeau arc-en-ciel. « Elle symbolise mes deux identités. » Et le tabou qui l’entoure.
Des relations homosexuelles inscrites dans les murs.

Judaïsme, christianisme, islam, les trois religions monothéistes condamnent l’homosexualité. Qu’il s’agisse de leurs croyants ou de leurs représentants. Et pourtant, les relations homosexuelles sont inscrites dans les murs. « Il y a autant d’homosexuels dans l’Église que dans toutes les branches de la société : la police, l’enseignement… », souffle Jacques Mérienne, vicaire de la paroisse Sainte Eustache.
Cheveux longs argentés, petite moustache broussailleuse, l’homme aux faux airs de cardinal Richelieu n’a jamais caché son homosexualité. « À chaque fois que j’arrive dans une paroisse, je me présente à la communauté. Je dis qui je suis. » Pas question de se voiler la face. « J’ai prévenu mon évêque lorsqu’il m’a ordonné en 1972. A l’époque, ce n’était pas un problème pour devenir prêtre. C’était dans les mœurs. » Le père Henri Michel (2), ordonné par un évêque excommunié, a fait ses propres statistiques :
« Pour moi, 90% des prêtres étaient homosexuels dans les années 1970-80. »

« Cela s’exprimait partout dans les couloirs du Séminaire. Nous étions deux par chambre. Chacun avait son petit ami. Quand il y avait des garçons hétéros, ils ne restaient pas. » Le père Henri Michel exerce aujourd’hui son ministère dans une grande ville française. « J’ai une chapelle qui ne dépend pas du diocèse. Elle accueille tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans le dogme officiel. » Des « marginaux », comme il les nomme à demi-mot, à son image :
« J’ai voulu être prêtre dès l’âge de 6 ans. Nous étions dans les années 1950. Mon père était régisseur aux Folies Bergères. En grandissant dans cette famille d’artistes, l’Église m’est apparue comme un grand théâtre. A 10 ans, j’ai découvert que j’aimais les hommes, mais je ne me suis pas inquiété, car je savais que la loi du seigneur me destinerait au célibat. »
Pas de problème non plus pour sa famille. « Ces choses n’avaient pas lieu d’être partagées. Quand j’invitais des garçons du séminaire en vacances, nos parents se disaient simplement : “Ils veulent être prêtres, c’est normal. »


A la pride de Toronto en 2011 / Crédits : Andrey Zhukov

Un système hypocrite
À 11 ans, Henri Michel entre au petit séminaire. « Il n’y a rien eu de spécial », insiste-t-il. Ou presque. « Vers 15-16 ans, j’ai eu une amourette avec un garçon. Ça se passait la nuit dans la resserre. Mais nous avons très vite été suivis par l’un de nos camarades. Et comme il était jaloux, il a cafté et j’ai été renvoyé. » De quoi ranger sa robe au placard ? « Non, la direction avait l’habitude de ce genre de cas. Ce n’était pas un secret d’état. » À la sortie de son bac, Henri Michel intègre donc le grand séminaire. « Là où il y a le plus d’intrigues, se rappelle-t-il avec un rire contenu. On attendait la nouvelle recrue de la rentrée de septembre pour échanger nos compagnons de vie. »
Tout se sait… Mais personne ne dit rien. Et la loi du silence aura raison du comportement « trop vrai » d’Henri Michel. Contrairement au père Jacques Mérienne, cette homosexualité assumée lui fermera les portes de l’Église. « J’ai été ordonné par une voie parallèle que ne reconnaît pas l’épiscopat français. » Une forme de discrimination advenue, selon le père Jacques Mérienne, dans les années 1980. « En refusant d’ordonner des prêtres homosexuels, l’ancien archevêque de Paris, le cardinal Lustiger, a institutionnalisé un retour en arrière. » Un virage « lié, selon le père Henri Michel, à l’hypocrisie du système ». Mais pas seulement.

Le premier imam gay de France
« Je me sentais comme un étranger dans ma propre famille », se souvient Ludovic-Mohamed Zahed. Normalien, docteur en sciences humaines et sociales, spécialiste reconnu de l’islam… L’imam est à l’origine des premières mosquées inclusives de France, d’Allemagne et d’Afrique du Sud :
« À 17 ans, j’ai découvert mon homosexualité chez les salafistes en tombant amoureux de l’homme qui m’avait enseigné le Coran. »

Tiraillé entre islamisme et homophobie, Mohamed cherche du soutien auprès de sa famille. « J’en ai payé le prix fort. Dès lors, mon père m’insultait quotidiennement et mon frère me battait. Il m’a même cassé le nez et la mâchoire. Chez moi, c’était la prison. » Cette violence, Mohamed la prend en pleine face. Assumer sa double identité, religieuse et sexuelle, devient impossible :
« J’ai rejeté l’islam pendant sept ans. »

Ludovic-Mohamed Zahed

En 1995, l’Algérie sombre dans la guerre civile. Comme nombre de familles francophones, les Zahed s’installent en France, à Marseille. « J’avais 19 ans quand j’ai rencontré mon premier compagnon dans un club gay. Un Algérien encarté au Front national. On était très schizophrène à l’époque dans notre communauté. Cet homme était très infidèle, prenait beaucoup de risques, en pratiquant notamment le chemsex (3). Il me les a fait prendre. C’est avec lui que j’ai attrapé le Sida. »
Sans dieu ni père, Mohamed, naturalisé Ludovic, monte alors à Paris. Il se réfugie dans le travail et multiplie les doctorats. « J’ai travaillé dix fois plus que les autres mais j’étais toujours la cinquième roue du carrosse. Un soir, alors que je quittais l’École normale supérieure, j’ai reçu un appel de ma mère : “Cela a trop duré. Tu es tombé de la barque à un moment et je n’ai pas réussi à te récupérer” » :
« J’étais considéré comme un malade mental. »

À 30 ans, Ludovic trouve un équilibre. « Il m’a fallu sept ans pour comprendre que je n’étais pas anormal. » En paix avec lui-même, il trouve l’amour avec un sud-africain et se marie devant sa famille et ses amis. Il renoue alors avec ses origines et reprend une pratique spirituelle. Un an auparavant, il créait l’association Homosexuels musulmans de France pour accueillir toutes les personnes qui, comme lui, ont été victimes de discriminations. Et pas seulement des croyants. « Il n’y avait que 10 % de pratiquants dans l’association quand nous l’avons créée. Beaucoup nous ont rejoints par la suite, attirés par notre islam des Lumières. » Un succès qui préfigura celui de la mosquée inclusive en 2012.
Inspiré d’un mouvement venu d’Amérique du Nord, Ludovic trouve un premier refuge auprès d’un ami bouddhiste, Federico Dainin Jôkô, aux portes de la capitale, avant d’ouvrir un local dans le quartier de la Goutte d’Or, à Paris. En restant flou sur son adresse, par peur de possibles violences. « Nous ne nous attendions pas à un tel retentissement, y compris de l’autre côté de la Méditerranée. » Cette soudaine notoriété se transforme en passe-droit auprès des plus grandes institutions sunnites. Il devient ainsi le premier imam gay à débattre au sein de la prestigieuse université al-Azhar, en Égypte. Une réussite d’autant plus grande dans un pays alors sous la coupe des Frères musulmans.
Vivre caché pour être heureux
La réalité reste toutefois contrastée. Quand on appelle l’association Homosexuels musulmans de France, il est difficile d’avoir quelqu’un à l’autre bout du fil. Et pour cause, quand on rédige un mail, on reçoit automatiquement le message suivant : « IMPORTANT : Notez qu’il n’y a plus de mosquée inclusive à Paris. » L’associatif se joue dans l’ombre.

Et si tout le monde sait où se trouvent les associations LGBT catholique David et Jonathan et juive Beit Haverim, les pratiquants homosexuels n’en demeurent pas moins parfois contraints de mener une double vie hors des institutions. « Un jeune catholique qui juge son orientation sexuelle en contradiction avec sa religion n’ira pas chercher du soutien auprès d’un prêtre gay. Pourquoi le ferait-il s’il le pense lui-même dans le péché ? », s’interroge Jacques Mérienne.
Rainbow kippa sur la tête à la synagogue, au fond de sa poche une fois dans la rue, Alain Beit conseille aux adolescents qui viennent le voir de ne pas révéler leur homosexualité à leurs parents. « Sois heureux et vis caché. Ne te mets pas en danger. Quand tu pourras subvenir à tes moyens, tu pourras t’assumer », explique Alain Beit :
« Être juif et homo n’est pas une contradiction. »

Dans le quartier du Marais, à Paris, la communauté de Saint-Merry a fait de la pastorale de l’accueil des différences, son fer de lance. Comme David et Jonathan, elle accepte quiconque quel que soit sa couleur, son origine, son orientation liturgique ou sexuelle.
Daniel Duigou, curé de la paroisse [jusqu’en 2018], est l’un de ses hérauts. « On peut être chrétien et homosexuel ! s’exclame-t-il. Quand j’ai rencontré le pape, il m’a tout de suite demandé : “Qu’est-ce que vous dites aux divorcés remariés ?” J’ai répondu : “Un, je les écoute. Deux, je les bénis ainsi que les couples homosexuels.” En entendant ces mots, il s’est relevé et m’a dit : “Oui, Dieu pense du bien des hommes. Dieu pense du bien de tous les hommes. »


Queer & Halal à la pride de Londres en 2013 / Crédits : jpg.me

Une histoire d’interprétations
Comme un symbole, Daniel Duigou intègre aujourd’hui les couples homosexuels à la préparation religieuse au mariage des couples hétérosexuels. « C’est une tradition ancrée. Dans les premiers siècles de son histoire, l’Église bénissait déjà des homosexuels. »
Une manière de renouer avec les premières écritures ? Que penser alors du passage de Sodome et Gomorrhe ? « Les personnes qui rejettent l’homosexualité citent souvent cet extrait. Or, ce qui est condamné, c’est le fait de forcer son partenaire à avoir une relation sexuelle », indique Daniel Duigou. « Et puis, rappelle Henri Michel, Eve est née de la côte d’Adam. Cela signifie que le premier homme était une créature hermaphrodite. Le croyant peut retrouver en lui-même cette voie androgyne, l’homme et la femme qu’il est, par le biais de son homosexualité. » Pas de contradiction donc selon la Bible.

« Dieu ne condamne jamais l’homosexualité dans le Coran », martèle aussi l’imam Ludovic. « Un verset rapporte même que le Prophète était un jour avec un homme dans la rue lorsqu’un troisième vint à passer. Le premier homme dit au Prophète : “J’aime cet homme“ et le Prophète lui demanda s’il lui avait fait part de ses sentiments. Il lui répondit que non et le Prophète lui intima de le faire, raconte Ludovic Zahed. Le Prophète aurait-il encouragé un homme à déclarer sa flamme à un autre s’il était le leader misogyne et homophobe que décrivent nombre de musulmans dogmatiques ? » Rien n’est moins sûr.
Ludovic l’avoue lui-même. En Algérie, un de ses oncles continue de lui envoyer des menaces de mort du fait de son homosexualité. « Il ne connaît que l’islam des Frères musulmans. » Et cette violence ne se limite pas à la famille. Sur Internet, les salafistes ont émis une fatwa pour punir Ludovic « par le glaive ». D’autres, comme le prêtre Jacques Mérienne et le président de l’association Beit Haverim, font l’objet d’insultes homophobes. « C’est terrible d’utiliser Jésus pour condamner l’autre, déplore Daniel Duigou. Ces gens oublient que la Bible n’est qu’une interprétation d’une interprétation. »
Alors au diable les préjugés ! « On ne choisit pas qui on est, rappelle Jacques Mérienne. Ce qu’on est n’est pas une faute. » Une réalité qu’ont fini par admettre les parents de Ludovic. L’imam doit toutefois faire face aux nouvelles inquiétudes de sa mère. « J’ai divorcé il y a trois ans. Depuis, ma mère s’inquiète de mon célibat, car réussir sa vie intime, c’est se marier et avoir des enfants. » Après tout, on n’est jamais trop parfait pour ses parents.
Article en partenariat avec le CFPJ.
En une image d’illustration : crédit Danny Hammontree
(1) Rav : rabbin en hébreu
(2) Nom changé à la demande de l’interviewé

* Prêtre, il accueille les personnes homosexuelles

Christophe Vairon est prêtre, accompagnateur spirituel à l’association DUEC, Devenir Un En Christ.

L’église condamne le passage à l’acte homosexuel comme un péché. Mais qu’est-ce qu’un péché ?

En conscience éclairée, le prêtre s’interroge : « si c’est de l’amour, est-ce étranger à Dieu » ?

Comment vit-il sa position vis à vis de l’institution ? Que lui apporte cette mission ?

Réalisateur : Christelle PLOQUIN
Co auteurs : Christelle PLOQUIN
Durée : 4:04
Année de production : 2012
Émission : Le Jour du Seigneur

* Le pape François s’inquiète de la « mode homosexuelle »

03 décembre 2018 Journal Ouest France

Encore une déclaration de François qui ne va pas passer inaperçue. Dans un livre d’entretien intitulé « La force de la vocation », le pape redoute que « la mode de l’homosexualité affecte la vie de l’Église ».

« L’homosexualité dans le clergé ? c’est une question très sérieuse qui me préoccupe. »
Ce n’est pas la première fois que le pape aborde la question de l’homosexualité. Dans un long entretien avec le prêtre espagnol Fernando Prado, qui doit être publié en plusieurs langues, cette semaine, sous le titre « La force de la vocation », François se penche plus précisément sur l’homosexualité des clercs.

« Lobby gay »
En juin 2013, il avait reconnu l’existence d’un « lobby gay » à la Curie, c’est-à-dire au sein même de son « gouvernement ».
Il s’en inquiète à nouveau. « Dans nos sociétés, il semble même que l’homosexualité soit à la mode et cette mentalité, d’une certaine manière, affecte également la vie de l’Église. »
Il rappelle, en conséquence, la règle édictée par son prédécesseur Benoît XVI, en novembre 2005 : les hommes animés par des tendances homosexuelles ne doivent pas être ordonnés prêtres.
Dans la Ratio Fundamentalis publiée le 8 décembre 2016, par la Congrégation du Clergé, on lit : « Si un candidat pratique l’homosexualité ou présente des tendances homosexuelles profondément enracinées, son directeur spirituel ainsi que son confesseur ont le devoir de le dissuader, en conscience, d’avancer vers l’ordination ».

Pas de double vie
Le pape François le redit : « Dans la vie consacrée et la prêtrise, il n’y a pas de place pour ce type d’affection. C’est pourquoi l’Église recommande que les personnes ayant ce type de tendance profondément ancrée ne soient pas acceptées dans le ministère ou la vie religieuse. »
Quant aux homosexuels qui sont déjà prêtres, religieux ou religieuses, ils « doivent être incités à vivre intégralement le célibat, et surtout à être parfaitement responsables, en cherchant à ne jamais créer de scandale dans leur communauté ou parmi les fidèles en vivant une double vie », ajoute le pape.
« Il vaut mieux qu’ils abandonnent le ministère ou la vie consacrée plutôt que de vivre une double vie », insiste-t-il.

Commentaire
François a-t-il changé d’avis sur l’homosexualité ? « Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? », avait-il répondu à une journaliste, dans l’avion qui le ramenait des JMJ de Rio, en 2013.
Un message fraternel en direction des personnes homosexuelles qui semble contredit par ces dernières déclarations. En apparence seulement.
Parce que les derniers propos du pape concernent les clercs et, plus spécialement, ceux qui mènent une double vie. Dont certains sont peut-être à sa porte. L’été dernier, l’archevêque Carlo maria Vigano avait provoqué une polémique en affirmant qu’il existait un « réseau homosexuel » au Vatican dont les membres se protégeaient les uns les autres.
Un réseau, s’il existe réellement, dont le pape François a toutes les raisons de se méfier.
Pour autant, l’emploi du mot « mode » appliqué à l’ensemble de la société est plus que malheureux. L’homosexualité existe depuis toujours, sur tous les continents et dans tous les milieux. Cette préférence sexuelle n’est jamais un choix, et encore moins une quelconque « mode ». Faut-il rappeler la souffrance des jeunes qui se découvrent homosexuels et le sort terrible qui est réservé aux gays dans de nombreux pays ?
En réalité, le pape ne peut ignorer qu’il ne s’agit pas d’une mode. Mais il craint, à juste titre, que les pratiques homosexuelles au sein du clergé ne débouchent sur un nouveau scandale.
L’Église catholique est confrontée à une crise sans précédent avec les révélations en cascade sur les crimes pédophiles. Elle voit poindre également un autre problème : les enfants de prêtres qui témoignent de l’injustice que leur fait subir l’institution.

François veut-il, cette fois, prendre les devants tout en se protégeant de ceux qui, à la Curie, entravent sa volonté de réformer ?
Une chose est sûre, il existe, au sein du clergé, des prêtres homosexuels. Il est même très probable que la proportion de gays soit plus élevée parmi les clercs que dans la société civile. La prêtrise ayant constitué une forme de « refuge » pour les personnes homosexuelles qui, autrefois, n’étaient pas interrogées sur leur sexualité lors de leurs études au séminaire.
Pour autant, en quoi une préférence sexuelle, à laquelle personne n’est réductible, serait incompatible avec la prêtrise ? L’institution ne répond pas sur le fond. Et, du coup, elle prend le risque de se couper encore un peu plus des « périphéries » qu’elle prétend rejoindre.

Article trouvé sur le site de Ouest France, non signé, suivi de nombreux commentaires, avec des échanges intéressants.

Dom.

* AUJOURD’HUI 5 NOVEMBRE 2018

Le groupe « pêcheurs d’hommes » de David et Jonathan s’est retrouvé aujourd’hui. Nous étions 14. Le groupe se renouvelle, et l’écoute de l’actualité de chacun est toujours riche. Des évènements heureux, d’autres moins heureux. La vie partagée en couple pour certains, la séparation pour d’autres. Les difficultés professionnelles pour certains, les tâches du ministère pour d’autres. Je retiens également combien l’actualité de l’Eglise face aux victimes d’abus sexuels interpelle, attriste, révolte, scandalise, fragilise, désespère, les uns, les autres.

Je relis alors ce soir ce texte trouvé dans le journal La Croix du 30 octobre dernier de M. Tugdual Derville, « Ne tuons pas la tendresse » : « […] Que faire du poids de ces abus révélés ? Que chacun se reconnaisse « capable du pire » et peut-être chanceux de ne pas l’avoir commis. Qui peut se dire indemne de toute profanation de son propre corps, temple de l’Esprit ? Et toujours respectueux du corps d’autrui ? La meurtrissure que les victimes endurent, tout au long de leur vie, atteste la sacralité de la sexualité, tellement galvaudée. Le grave péché de quelques-uns, tous en portent les éclaboussures, Jésus étant seul innocent et chaste, ainsi que sa mère.

Les victimes d’abord ont besoin de compassion, de justice et de prière. Les abuseurs aussi. Toute misère appelle la miséricorde. Limite absolue fixée au mal, elle doit s’exercer ici-bas dans la justice pour les criminels. Sur le plan ecclésial, des rituels de pénitence durable aideraient les victimes à se sentir respectées. Mais laisser croire que certains péchés interdisent la miséricorde serait céder au Diable. La portée du « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » reste universelle.

J’ai entendu un homme murmurer après une homélie sur la pédophilie : « J’ai honte d’être chrétien! ». Je reconnais que j’ai parfois ressenti à propos de ma chère Eglise le genre de honte terrible qu’on éprouverait devant les débauches de sa propre mère. Puis j’ai regardé mon âme et suis mentalement sorti du cercle des « lapideurs ».

[…] Et le texte se poursuit et aborde un autre point central du scandale, la question du pouvoir. Et qui rejoint le sujet du cléricalisme, abordé par le pape François dans sa « lettre au peuple de Dieu », comme « appétit de domination et de possession à l’origine de ces maux ».

« Le pouvoir spirituel est un poison qui peut se cristalliser en emprise sexuelle » écrit M. Tugdual Derville. « Finalement, termine-t-il,            cet épouvantable scandale, en nous secouant tous, nous incite à nous enraciner plus humblement dans le Christ, et à nous rapprocher des petits et des pauvres.

Dom.